samedi 7 novembre 2015

Panama - part 2 - Pacifique

Que de nouveautés pour Avalon Explorer et son équipage : première navigation en altitude -24 mètres au dessus de la mer pendant presque 30 milles nautiques-, première navigation en eau douce, première navigation dans le Pacifique.

Certains on réussit à nous voir en direct, pour les autres voici le récit de notre traversée.

Tout commence mercredi matin, derniers détails administratifs à régler et non des moindres : il nous faut un "zarpé". Nous aurions du faire cette démarche avant de quitter Linton, cependant comme nous avons été un peu brusqués nous n'avions pas eu le temps.

Nous allons donc rendre visite aux autorités maritimes panaméennes dans le port de Cristobal à Colon. Le gardien dès l'entrée sent le bon coup et nous propose des cartouches de cigarettes à 10$. Banco champion, merci le filon, tant pis pour ton intégrité de fonctionnaire d'état honnête. Deux étages plus haut, nous débarquons dans un couloir délabré où rien n'indique que depuis au moins 20 ans il se soit passé quelque chose. Et pourtant, nous mettons la main sur le M. Rivas qui a toute l'autorité pour nous délivrer une autorisation d'obtenir un zarpé -droit pour le bateau de quitter une province du Panama. Sourires, compliments au monsieur, ... Suzy avait déjà préparé le terrain -à coup de dollars bien sentis- ainsi le monsieur ne nous fait pas trop de difficultés pour nous donner notre autorisation. Ça coûte 25$, mais nous avons un reçu, ça semble officiel.

Nous passons ensuite au bureau suivant, nous avons affaire à un monsieur dont nous ne connaissons l'identité qui va lui nous délivrer le fameux zarpé. Il commence par nous demander notre "cruising permit" -sorte de licence pour les voiliers étrangers qui naviguent au Panama. Le cruising permit coûte lui 250$, pensez bien que nous ne l'avons point et que nous espérons bien ne jamais l'avoir. Discussion en espagnol anglicisé, nous expliquons que nous venons d'arriver -heureusement le gars ne regarde pas nos passeports qui indiquent que nous sommes là depuis presque une semaine- et que nous ne sommes qu'en transit. Finalement, dans le feu de l'action, enchanté par nos compliments sur le défilé militaire diffusé à la télévision pour la fête nationale, notre fonctionnaire oublie le cruising permit et nous délivre le zarpé pour 1,5$. Merci Monsieur ! Cependant, il tente de nous intimider en nous disant qu'il travaille un jour de congés qu'il faudrait donc payer à lui directement 5$ de mieux. Refus de notre part, nous ne souhaitons pas alimenter la corruption. Palabres, haussement de voix, nous avons notre document nous partons.

Retour à la marina du Club Nautico de Colon pour préparer le bateau. Remontant sur l'annexe pour rejoindre notre bateau, je choisi de ne pas m'arrêter précisément dans notre petit dinghy mais je fais un pas de plus -je n'en connais pas la raison- et ainsi fini tout habillé dans la flotte.... Heureusement Pilou a les papiers sur lui, seul mon porte carte et mon téléphone sont immergés. La grosse grosse loose. Toute la marina se bidonne, ça fait déjà deux fois que je tombe à l'eau au port -une fois au Crouesty et une fois à Colon- à chaque fois complètement à jeun. Pilou attrape mes affaires en vitesse pour les étaler au soleil sur le ponton quand je réalise que mes superbes Anne&Valentin -mes lunettes de vue choisies par Aude- ont profité de mon plongeon pour s'offrir un bain en solo. Heureusement le bateau juste à côté de nous me prête un masque, je plonge une fois, deux fois, l'eau est noire je ne vois rien et alors que je plonge une dernière fois avant d'abandonner, je mets la main miraculeusement sur les fameuse bésicles !! La chance revient, Anne et Valentin peuvent dormir tranquilles, ils n'auront pas à me fabriquer en urgence une nouvelle paire.

Retour sur le bateau, rangement, nous devons faire le plein de diesel, d'eau et nous avons rendez-vous à 13h avec nos "line-handlers" -les 3 types que nous embauchons pour la traversée du canal afin qu'ils tiennent dans les écluses les grands bouts de 25 mètres qui vont nous stabiliser au milieu des chambres. Le plein se fait sans difficulté à la station service de la marina qui bien que petite accepte les bateaux jusqu'à 2m50 de tirant d'eau pour 57 centimes de dollar le litre de diesel. Pour nous autres Français c'est une blessure que de ne pouvoir remplir le bateau à ras bord de ce combustible si bon marché.

Les trois liners arrivent sans avoir déjeuner, branle-bas de combat pour leur préparer une salade. Nous mettons finalement en route vers 14h car nous avons rendez-vous avec le pilote -qui sera la 6e personne à bord et qui n'est là que pour donner des conseils- à 15h. Arrivés sur le "flat" au lieu du rendez-vous, nous apprenons par radio que le pilote ne sera finalement là qu'à 17h30... Premier retard, cela semble très courant dans ces pays du sud. Les liners -Carlos le Colombien, José l'Espagnol et Richard le Panaméen- en profitent pour préparer les équipements d'Avalon.




17h30, Edward le pilote est déposé à notre bord par une lancha du canal. Présentations sommaires que déjà il faut nous mettre en route pour passer la première écluse qui va nous mener sur le lac Gatun.

J'en profite pour vous livrer quelques petits détails techniques : 
  • le canal a été construit par les Américains il y a longtemps
  • au début, c'est tonton Ferdi de Lesseps -un Français- qui après son succès de Suez avait été missionné pour construire ce raccourci qui coupe l'Amérique en deux. Mais ce fût un échec que nous attribuons à deux facteurs principaux : la malaria qui tuait les ouvriers par dizaines de milliers et une erreur d'ingénierie ; Ferdi voulait un canal tranquille comme à Suez sans écluse, mais il avait oublié que côté Atlantique il n'y a pas trop de marée dans ce coin là, tandis qu'elles sont assez fortes côté Pacifique ; cette différence de marée aurait créé un courant de 8 nœuds qui eut empêché la navigation
  • le canal comporte 3 écluses : gatun, pedro miguel et miraflores
  • un lac artificiel -le lac Gatun- alimente ces écluses, il est situé après l'écluse de Gatun dans le sens nord-sud -Atlantique vers Pacifique
  • Gatun est une écluse à trois niveaux, Pedro Miguel un seul niveau et Miraflores deux
  • il passe environ 35 navires de marines marchandes -les voiliers et autres petits bateaux ne comptent pas car entrent dans les chambres devant ou derrière les gros- par jour, ce qui rapporte 5 à 7 millions de dollars par jour au Panama
  • le bateau le plus cher a payé 500 000$ pour passer, c'était un bateau de croisière pressé -plus on paye moins on attend
  • le passage le moins cher a eu lieu dans les années 30, il a coûté 36 cts de dollar, c'était ... un nageur
  • les panaméens sont en train de construire -enfin ce sont des entreprises européennes qui ont gagné le contrat- de nouvelles écluses plus grosses pour accueillir des bateaux toujours plus gros
Le bon Edward nous apprend que dorénavant notre bateau s'appelle 26C -twenty-six charly- à la radio car : c'est le treizième passage dans le sens nord-sud de la journée et que dans ce sens les bateaux sont numérotés avec des nombres pairs. Et que nous sommes une petite chose donc notre lettre est C. Pour les gros c'est soit B pour les bateaux normaux, soit T pour les bateaux dangereux -principalement au niveau de la manœuvre- soit d'autres lettres pour les bateaux de croisières, les bateaux de guerres, ... Nous sommes en même temps que le navire vraquier Noord Flex, ainsi si vous avez bien suivi, notre copain s'appelle 26B -bravo. Nous pouvons donc correspondre avec le chef de chaque écluse, avec les bateaux pousseurs et avec notre partenaire -énorme- de transit par radio : twenty-six bravo, it is twenty six charly, bla bla bla...

Le pilote est très stressé et stressant mais super sympa. Lorsque nous nous engageons pour la première "chambre", il fait déjà nuit et les ordres vont vites -heureusement Edward parle un anglais parfait et plutôt compréhensible :
les liners doivent récupérer des petits bouts envoyés par les employés du canal de chaque côté du bateau -deux à bâbord et deux à tribord. Ils envoient des bouts très fins reliés à leur bout à une sorte de boule de corde très lourde. Heureusement nous avons protégé avec des matelas nos panneaux solaires. Chaque liners -nos trois gars + Pilou- doivent alors amarrer nos grosses haussières -les bouts bleus que vous voyez sur les photos du dessus- aux bouts fins et les employés du canal ramènent les haussières à eux. Tout cela se passe hyper vite. De mon côté, je suis avec le pilote qui me dirige par des forward, neutral, reverse, portside, starbordside, ... afin qu'Avalon Explorer soit bien positionné au milieu de la chambre, pas trop près du mastodonte -26B- qui nous précède.




Les mains sont moites, mais nous sommes très enthousiaste à l'idée de commencer cette traversée. Les portes se referment derrière nous et alors que mon travail est fini -le bateau est stabilisé au milieu de la chambre- celui des liners débute : ils doivent sans cesse retendre les haussières pendant que l'eau monte en formant de gros bouillons autour du bateau. Impressionnante cette force dégagée par l'eau qui monte. En moins de 10 minutes, nous avons gagné un peu plus de 8 mètres d'altitude. Il faut alors attendre que 26B mette en route -son hélice va alors envoyer un courant très puissant sur nous, les haussières doivent être très bien tendues !- puis lorsqu'il aura coupé son moteur, nous pourrons à notre tour nous libérer reprendre les haussières à bord, laisser les employés du canal avancer de part et d'autre en tenant leurs bouts fins et avancer jusqu'à la chambre suivante.

Nous gagnons en un peu moins d'une heure et demi 24 mètre en altitude et nous sommes libres en eau douce sur le lac Gatun !!

Il est 23h, le pilote nous dirige vers une bouée à laquelle nous nous amarrons, nous dînons et le pilote s'en va sur une lancha qui vient le chercher.
Rendez-vous le lendemain -le jeudi donc- entre 7h et 7h30 avec un nouveau pilote pour la traversée du lac et la descente vers le Pacifique.

Une fois n'est pas coutume le pilote a 30 minutes d'avance. Il nous réveille donc, les deux gars qui dorment sur le pont, le vilain Richard qui dort dans le carré, et nous qui avons notre chambre. À peine à bord, qu'il faut déjà se mettre en route, nous avons un passage à Pedro Miguel prévu vers 13h, et 28 milles nautiques à faire d'ici là.

Tout le monde prend un café sauf .. le pilote qui préfère une autre occupation.



La traversée se fait sans accroc, sur un chenal parfaitement vide. Nous ne pouvons faire qu'à peine 7 nœuds à pleine vitesse alors que les gros traversent à plus de 15. C'est pourquoi nous sommes partis si tôt et que nous trouvons le chenal vide.





À partir de Gamboa, nous recommençons à croiser des gros penguyos et surtout nous croisons la nouvelle maison d'une connaissance de la France. Le vil Manuel Noriega est en effet enfermé à la prison de Gamboa. Nous hurlons pour le saluer et n'omettons pas de penser à notre vedette nivernaise François Mitterrand à cette occasion.


La route est droite et bien balisée jusqu'à Pedro Miguel, le pilote dort, les liners s'occupent comme ils peuvent, Grégoire barre, Pilou commence à préparer le déjeuner, je suis de surveillance.


L'écluse de Pedro Miguel et de Miraflores se passent sans mal. Tout est plus facile que la veille car nous descendons -il y a donc moins de remous dans la chambre- et surtout nous ne sommes plus stabilisés au milieu comme pour la montée mais nous sommes collés à couple à une vedette de touristes -Discovery- qui va donc jouer de l'haussière à notre place. Les touristes sur Discovery sont américains, très sympas, ils nous ont même envoyé une photo de nous.


À Miraflores, il y a une webcam -tout en haut du pylône d'antenne blanc et rouge-, certains d'entre vous nous ont suivis, merci pour les copies d'écran.



Et enfin, la dernière porte s'ouvre, nous sommes le premier bateau de la journée à la franchir, nous sommes dans le Pacifique. L'eau est bleue, salée, et tempérée, mais c'est le Pacifique !


Derniers petits efforts pour notre moteur, nous déposons le pilote, les liners, les haussières et les pneus à la marina de Balboa, payons chacun des liners -100$ par tête- et continuons notre route jusqu'à la marina de la Playita où nous sommes actuellement.

Il est 17h, nous faisons un petit tour dans la marina et le centre commercial attenant, retournons vite au bateau c'est l'heure de boire notre première bouteille de champagne du voyage. Ce sera celle du mariage d'Aude, nous avons celle de Jean pour le Cap Horn et celle d'Aurélien pour l'arrivée.

Champagne, pattes, rhum, nous nous effondrons dans nos couchettes sans demander notre reste.

Vendredi nous avons pris le taxi pour aller à Panama City. C'est une grande ville avec d'un côté des building immenses -ils l'appellent le Dubaï de l'Amérique- et de l'autre une vieille ville -Casco Viero- hyper charmante.

Achat d'un nouveau téléphone pour moi, passage chez le coiffeur pour nous deux, cirage de chaussures, déjeuner avec la bonne Suz' pour débrieffer, ...





Nous sommes maintenant samedi, nous allons faire les pleins de diesel et d'eau, préparer notre départ pour les Perlas demain et enfin vers l'Equateur mardi ou mercredi.

LBB,

Pilou et Driou

4 commentaires:

  1. Quelle aventure, merci de me régaler avec vos récits !
    Tout de bon pour la suite comme on dit ici

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  2. Bonjour Pilou, Driou,
    Avez-vs lu le doc dont je vous ai passé le lien?
    Son auteur a préféré éviter l'Équateur...
    Good winds and fair seas
    M&S

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  3. Bonjour Pilou, Driou,
    Avez-vs lu le doc dont je vous ai passé le lien?
    Son auteur a préféré éviter l'Équateur...
    Good winds and fair seas
    M&S

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  4. je retiendrais juste que quand c'est gros, c'est la lettre B.
    ce qui donne une sale envie de faire une bonne blague bien grasse
    bon trip les cocos!
    (Guital)

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