samedi 13 février 2016

Puerto Eden

Déjà cinq jours que nous n'avons pas écrit, mais nous avons une excuse ! Nous nous sommes arrêtés et, qui dit escale, dit perte de l'inspiration.

Notre dernier message date du canal de Moraleda, que nous avons fini de franchir par nuit noire et 17 nœuds de vent du nord, sous génois seul à plus de six nœuds. Puis il a fallu mettre un bon coup de barre à gauche pour franchir le tortueux canal de Darwin et enfin nous retrouver dans l'océan. Retour de la grosse houle, et 70 milles plus tard nous étions dans le renommé golfe de Penas.

La traversée du golfe s'est faite de nuit, par un vent et une mer constante. "fingers in the nose" comme dit Emmanuel. Au petit matin, après un petit échange avec les soldats de la marine chilienne par VHF, nous avons pu nous engager dans le canal Messier et poursuivre plus au sud.

Vers 11h, mercredi matin, Pilou se réveille et là stupeur, alors qu'Emmanuel est de veille dans le
cockpit, la carte sur l'ordinateur de bord indique que nous naviguons au milieu d'une île. Pourtant pas de choc, pas de signe qui indiquerait que notre bateau soit sorti de l'eau pour "faire route" sur terre...
C'est simplement que les cartes CM93 du coin ne sont pas bonnes et qu'ainsi notre position est fausse d'au moins 1,5 milles nautiques. Danger, surtout pour les navigations de nuit. Pour mémoire, la nouvelle lune a eu lieu il y a quelques jours seulement et la nuit est noire de chez noire.

Nous devons donc prendre la décision qui s'impose, et stopper le bateau au crépuscule pour ne reprendre la navigation qu'à l'aube vers 6h30. Notre premier arrêt s'est fait à la Caleta Morgane, du nom du voilier français qui a exploré les lieux en 1996 pour la première fois. Mise à l'eau du dinghy, mouillage de l'ancre par 8 mètres de fond et surtout amarrage d'Avalon Explorer aux arbres qui peuplent la berge. En effet, dans les canaux, les coups de vents peuvent être soudains, la tenue des fonds incertaine et les Caletas très étroites. Ainsi, pour éviter que le bateau aille s'échouer, nous mouillons l'ancre à la proue et relions la poupe à des points fixes à terre grâce à deux grosses haussières de 200 mètres acquises à Valparaiso. Quelle aventure ! De vrais Robinson en bivouac sur une île déserte par près de 9° sud. Extra.

Jeudi matin nous remettons en route dès potron-minet et atteignons sous génois seul dans une belle brise Puerto Eden qui était notre objectif. Dans la petite baie de ce minuscule village, nous mouillons à côté de deux autres voiliers. Grosse surprise de retrouver des "collègues" si loin de tout, et encore
plus grosse surprise quand il s'avère que ces nouveaux compagnons sont tous Français avec d'une part Isabelle et Georges sur Loul, partis de Martinique et remontant vers le nord, et d'autre part Élodie, Nora, Kevin et Alex sur Mouss, trois Bretons et une Alpine du sud, qui font route eux aussi vers le nord.

Décidément les voyageurs du bout du monde sont du pays. Il est environ 15h quand nous arrivons à Puerto Eden, aussi nous décidons d'aller à terre pour présenter nos salutations à la navy locale et nous sustenter dans une auberge. Double erreur, la navy habite de l'autre côté d'un bras de mer, si bien que
nous nous contenterons d'un bisou lancé par VHF, et surtout... il n'y a rien dans ce bled, pas un restaurant, pas une route, pas un hôtel, rien. C'est la première fois que nous visitons un village seulement tourné vers la mer, sans aucune route qui y vient ou qui en repart. La seule "voie" est un chemin de planches de bois qui longe la côte et dessert les habitations qui tiennent plus de la cabane que de l'hôtel hausmanien. Deux petites épiceries qui vendent trois tomates, du lait concentré, un rasoir, deux paquets de pâtes, et du vin en brique. Pour notre déjeuner ce sera donc reste de riz de la veille et saucisses à bord de notre boat.

Nous finissons malgré tout par trouver le parrain du village, José Naviro, qui nous invite chez lui pour prendre une douche et qui accepte de nous vendre du gasoil ... contre des euros ! Parfait car nous manquons de "plata" locale et le gasoil nous est indispensable pour continuer à naviguer dans les canaux.

Nous utiliserons malgré tout quelques pesos pour nous enquérir de deux jolis magnums de vin et de deux paquets de chips pour organiser un apéro avec Mouss et Loul. Appel par VHF sur le 16 pour prévenir nos compagnons français que le vin sera servi d'ici 10 minutes et tout le monde arrive dans le carré -- 9 personnes tout de même dans notre bateau de 10m. Apéro hyper sympa avec des vrais marins qui viennent de Puerto Williams et nous donnent ainsi plein de conseils utiles. Nous avons pu observer un vigneron français, Emmanuel, servir du vin en brique dans des gobelets en plastique...

Nous finissons la soirée à trois, jusqu'à tard dans la nuit.

Vendredi c'est repos, nous allons juste chercher le gasoil et faire une petite marche dans le village. Toute petite marche, le village n'a que 176 habitants, ce n'est vraiment pas grand.

Finalement, nous sommes repartis ce matin, samedi, à 6h30 et mettons cap d'abord au sud, mais très rapidement nous referons du nord, car nous souhaitons nous arrêter devant le glacier : Ventisquero Pio XI. Allez voir sur google, ça a l'air splendide, et Emmanuel nous a promis une soirée crêpes devant ce glacier qui vient mourir dans la mer. Nous nous permettons cet écart culinaire en plein carême parce que, premièrement, nous avons loupé le mardi gras et deuxièmement nous nous disons que dans l'hémisphère sud comme tout est inversé, peut-être que le carême n'est pas en ce moment...

Excuses bidons d'accord, mais nous ferons nos ave et nos pater demain dimanche avec la traditionnelle diffusion de la play liste sacrée sur la sono du bord.

Nous essaierons de vous envoyer des photos quand nous serons à Puerto Williams, notre prochain port d'ici une bonne dizaine de jours.

LBB,
Manu, Pilou et Driou,

Position : 49°20'51"S 74°23'19"W
Vitesse : 5,8 nœuds
Cap : 185°
Vent : 10 nœuds du 20°
Météo : pluie 9 jour sur 10. 8°C mais ressenti -25°C
Mer : belle
Chemin parcouru depuis Puerto Eden : 15 milles
Chemin restant : 475 milles

PS : nous commençons sérieusement à regretter un chauffage de bord

2 commentaires:

  1. Et bien ça bouge.. Rencontres sympa au bout du monde.bonne crêpes. on attend les photos.. Ici tempête et pluie
    Pleins de baisers

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  2. Magnifique ce glacier indeed, la nature à l'état brut !
    Bisous les gars !

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